« Cytheriae » de Charlotte Bousquet

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Cytheriae

Charlotte Bousquet

Editions Mnémos – Collection Icares

Prix Elbakin du Meilleur roman français 2010

Prix Imaginales 2011

En fil conducteur de l’intrigue, une série de meurtres et de suicides inexplicables, conduisant assez rapidement à envisager un rituel démoniaque très puissant. En toile de fond, une cité lacustre en pleine déliquescence, Cribella, capitale de la principauté de Cytheriae, évoquant Venise à l’âge de le Renaissance. A la famine, la misère et l’afflux de réfugiés, poussés sur cette rive par une épidémie qui ravage la contrée voisine, s’ajoute la menace imprécise d’une monstruosité tapie dans les bas-fonds et frappant au hasard les plus démunis. Le peuple se sent abandonné et la révolte gronde. Que font donc les dirigeantes de la cité, cette vieille princesse et ses conseillères, les Trois Moires, supposées leur garantir la protection de la Triple Déesse ? Accrochées à leur pouvoir et à leurs privilèges, quelle diabolique machination mettent-elles en œuvre pour préserver la pérennité de leur charge ?

Lorsque se précise le péril d’une entité terrifiante, les officiers de Garde noire avaient déjà fort à faire avec les créatures maléfiques, lamias, stryges ou spectres, qui hantent habituellement les quartiers désolés s’enfonçant  inexorablement dans les eaux. La capitaine Fostia Mazzario se résout, contre l’avis de ses hommes, à faire appel à un personnage réprouvé  au passé trouble, le nécromancien Angelo di Larini. Exclu de l’Ordre de la Nouvelle Lune pour des raisons mystérieuses, il est de plus l’amant d’une des femmes les plus convoitées de Cribella. Et cette intimité avec Nola, autre personnage ambigu et torturé, lui apportera bien plus que la vindicte de ses rivaux. Elle l’amènera à la frontière de l’Au-delà, pour tenter de sauver Cribella au péril de son âme.

Les pièces se mettent en place lentement, dessinant peu à peu un motif dont le mal de vivre constitue la note majeure. Chacun des personnages est poursuivi par son passé et souffre de blessures profondes. Mais c’est le personnage de Malatesta qui apporte, dès son apparition, un grand souffle romantique à une histoire jusqu’alors un peu sèche. Fruit d’un amour contre nature, il évoque les grands mythes antiques et dans son isolement, sa souffrance existentielle et son désespoir, résonnent tous ceux des poètes du XIXème siècle. Cette créature maudite relance une intrigue, certes bien ficelée, mais qui manquait de cet élan passionnel, la dimension surhumaine d’un sentiment exacerbé.

Nous sommes dans le registre de la dark fantaisy. Et c’est peu de dire que ce registre est sombre ! Dans ce roman somme toute assez court, Charlotte Bousquet arrive à installer une atmosphère, lugubre et désespérante, qui poursuit son lecteur durablement. Nul n’y est noir ou blanc et personne ne sort indemne du chaos final. A mille lieues de l’héroïc fantaisy, Cythériae nous emporte dans un monde fantastique, vénéneux, baroque et flamboyant.

Cytheriae fait suite à Arachnae, paru en 2009, dans lequel l’auteure mettait en place l’univers singulier de l’Archipel des Numinées. En attendant un prolongement annoncé (et vivement espéré !) , une visite sur le blog permet d’en lire le prologue, d’écouter les musiques, qui jouent un rôle important dans l’histoire, d’accéder à des bonus et de découvrir les illustrations d’Elvire De Cook.

Marie H.

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