Archives de Tag: vieillesse

« Premier chagrin » de Eva Kavian

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Premier chagrin

Eva Kavian

Editions Mijade – Collection Zone J

Premier chagrin mentionne sur sa couverture : Cherche jeune fille pour baby-sitting. Sans être mensongère, cette indication risque fort de mal orienter son lecteur car ce roman est loin des premiers chagrins d’amour de l’adolescence.

Certes, Sophie cherche bien à gagner quelque argent de poche. Elle vit seule avec sa mère, dont le salaire peine à les maintenir hors de la pauvreté. Mais ce baby-sitting est tout sauf ordinaire. C’est une dame âgée, Mouche,  qui lui demande de s’occuper de ses petits-enfants, et il s’agit moins de les garder que de les préparer à sa mort prochaine. Elle est en effet atteinte d’un cancer très avancé et pose tout de suite les termes du contrat : elle attend de la jeune fille une assistance efficace et détachée, exempte de toute pitié, et surtout, la plus totale franchise.

Sophie n’a que 14 ans et rien ne l’a préparée à cette situation. Pourtant, par bravade, inconscience ou peut-être pur défi, elle accepte. Mais, tandis que l’état de Mouche s’aggrave, aucune nouvelle de ces petits-enfants qu’elle devait initialement garder, pas plus d’ailleurs que de la moindre famille. La jeune fille soupçonne l’existence d’un secret dans cette absence terrible. Alors, entre les souvenirs à trier, les objets à jeter, les démarches à accomplir pour préparer le départ de la vieille dame, Sophie prend le temps de mener une enquête et va faire tout son possible pour lui offrir la mort qu’elle mérite. Face à l’échéance, Mouche fait en effet preuve d’une lucidité et d’une force de caractère peu communes. En accompagnant ses derniers jours, Sophie bénéficie d’une leçon essentielle : si la vie est précieuse et doit être vécue intensément, avec passion, la mort en fait partie. Elle doit s’accepter et se préparer, c’est la seule condition pour un deuil acceptable.

Rarement proposée en littérature jeunesse, la fin de vie est ici décrite sans complaisance. Mais malgré son sujet difficile, sans doute le plus tabou de notre société, ce roman n’est jamais pesant. Raconté à la première personne, son écriture est simple, fluide et dynamique. Sophie nous fait partager ses réactions et réflexions avec la naïveté mais aussi la générosité de son jeune âge, si bien qu’il se dégage de ce récit une belle énergie, positive et lumineuse. Eva Kavian nous offre avec ce court roman les seules armes contre la douleur de la perte d’un être: l’amour, le don de soi, le partage. De grandes choses qui en font un très beau roman.

Marie H.

« Mamythologie » de Séverine Vidal et Lionel Larchevêque

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Mamythologieinteressant

Séverine Vidal, illustrations de Lionel Larchevêque

Ed Frimousse, 2011

Mamy est ceci, mamy est cela etc… tonton Marcel n’arrête pas de se moquer d’elle. Voilà pourquoi le héros de cet album va nous expliquer et nous démontrer les habitudes, attitudes et petits travers de Mamy. « Ma Mamy a une mémoire d’éléphant. C’est pas sa faute si : Léna…elle l’appelle Nadine. C’est pour vérifier qu’on est concentrés, dans la famille. » Et ce sera ainsi pour tout, une explication pour défendre sa grand-mère de cet horrible tonton Marcel. Séverine Vidal rend hommage aux grands-mères, celles qui tricotent, celles qui espionnent les voisins, celles qui portent des dentiers et des robes à grosses fleurs, celles qui ont les cheveux bleus ou pas ! Un hommage plein d’humour, de tendresse, traité par la dérision et certainement un peu de nostalgie. Nous retrouvons avec bonheur les illustrations de Lionel Larchevêque. Le duo de « Arsène veut grandir » paru aux éditions Alice jeunesse, fonctionne de nouveau parfaitement. Des couleurs vives, « punchy », des personnages aux visages enfantins, de la bonhommie… Cette Mamy devient universelle et chacun d’entre nous y retrouvera bien un peu de la sienne.

Thierry B.

« Au galop sur les vagues » de Ahmed Kalouaz

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Au galop sur les vagues

Ahmed Kalouaz

Editions Le Rouergue – Collection Dacodac

Julie déménage encore. Depuis sa naissance, le métier de son père les fait voyager à travers la France et cette fois, c’est en Bretagne qu’elle va entamer la prochaine année scolaire. Pas n’importe laquelle, la sixième. Avec l’appréhension de ne connaître personne et la sensation, une fois encore, de tout recommencer à zéro. Ils s’installent de plus dans un charmant petit hameau dont ils sont les seuls habitants, à l’exception d’un vieil homme solitaire. Mais Armand Le Berre possède un cheval, Bilto, qu’il entraîne régulièrement sur la plage pour la course annuelle de l’hippodrome de Plouescat. Et Julie est justement passionnée d’équitation. Une amitié très tendre lie lentement le vieil homme, la fillette et le cheval. Aussi, lorsque Julie trouve la maison fermée et le cheval laissé à l’attache sans soins, elle s’inquiète tout de suite. Effectivement, Armand a été victime d’un accident et il est hospitalisé pour une longue période. Julie décide alors de prendre en charge l’entretien de Bilto mais un neveu dénué de scrupules décide de vendre l’animal à un équarrisseur. Commence alors un dangereux jeu de cache-cache. En toute illégalité, Julie va multiplier mensonges et manœuvres pour sauver le cheval d’une fin affreuse autant que pour garder au vieil homme une de ses dernières raisons de vivre.

Même s’il existe quelques invraisemblances dans le déroulement des péripéties, le lien qui se noue entre le vieil homme et l’enfant, tout comme la détermination dont elle fait preuve pour sauver l’animal, emportent l’adhésion et toucheront tous les jeunes lecteurs. La trame fictionnelle permet de camper les personnages dans des valeurs humaines bien établies, la solidarité, le courage et la fidélité s’opposant à la cupidité, l’égoïsme et la malhonnêteté. Car il existe un parallèle évident entre cet homme en fin de vie, privé de famille et impuissant dès lors qu’il est hospitalisé, et son cheval, trop vieux pour valoir autre chose que le prix de sa viande.

Il se dégage de ce petit roman de seulement 150 pages un charme presque suranné tant son rythme est paisible. Comportant de nombreuses descriptions qui nous font partager la beauté des paysages bretons, son écriture est exigeante et son vocabulaire soutenu. Ahmed Kalouaz a manifestement voulu nous faire partager son amour de la nature et des plaisirs simples. Il y parvient sans peine, par le biais d’une histoire touchante et porteuse de valeurs fortes.

Marie H.