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« Tout foutre en l’air » d’Antoine Dole

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toutfoutreenlairTout foutre en l’air

Antoine Dole

Ed Actes Sud Junior, collection D’une seule voix, 2015.

D’une seule voix, à bout de souffle, Antoine Dole emporte, transporte le lecteur dans une course folle. Une course éperdue d’une adolescente qui fuit, qui s’enfuit, à vive allure, sans se retourner pour éviter le doute et les questions. Ne pas s’arrêter, ne pas se retourner, courir, aller de l’avant et se perdre. Elle fuit avec celui qu’elle a rencontré sur la toile et ce soir, ils vont le faire… Se foutre en l’air, « Tout foutre en l’air« .

Antoine Dole aborde ici le  thème du suicide chez les adolescents. Sans compromis, sans concession, sans détour, d’une plume ferme et aiguisée il met le lecteur dans la posture de l’héroïne du roman. C’est noir, jamais fataliste, toujours bienveillant et la rupture dans la narration trois pages avant la fin du récit l’atteste.

Antoine Dole écrit des récits toujours très ancrés dans la réalité, il aborde les relations familiales, intergénérationnelles, les faits de sociétés avec pour personnage principal un ou une adolescents. D’autres titres d’Antoine Dole sur Lj83 :

Laisser brûler éditions Sarbacane, collection eXprim, 2010.

K-Cendres  éditions Sarbacane, collection eXprim, 2011.

A copier 100 fois  éditions Sarbacane, 2013.

Ce qui ne nous tue pas éditions Actes Sud junior, 2014

Thierry B.

« Johnny » de Martine Pouchain

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Johnny

Martine Pouchain

Editions Sarbacane – Collection Mini-romans

Un long monologue ininterrompu.

Alice parle à Johnny. Elle répond à la lettre qu’il lui a envoyée avant de se suicider.

Elle tente d’expliquer et de comprendre, voudrait rejouer ce chapitre de sa vie, rattraper sa lâcheté, alléger le poids de sa culpabilité, se justifier. « C’était un des aspects de ton problème : à force de se taire, on ne peut récolter que l’incompréhension »

Expliquer et comprendre: comment on a pu en arriver là, comment les choses ont dégénéré, comment ils, et elle, sont devenus les bourreaux d’un garçon taciturne et mal fagoté appelé Johnny. « L’idéale victime, je ne peux pas mieux décrire. Et même si j’avais pris ta défense, ça n’aurait rien changé. J’aurais juste réussi à devenir une victime de seconde main quand tu aurais fait défection pour maladie ou autre. Mais je n’ai pas pris ta défense. J’avoue que ça ne m’a seulement pas effleuré de la prendre. J’avais déjà assez de mal avec moi, depuis toujours. »

Il avait le tort d’être différent, son isolement et sa résignation le désignaient comme parfait souffre-douleur, offrant au groupe un exutoire sans risques. En dévoilant ses sentiments pour Alice, il déchaîne l’hilarité et la fait basculer de l’indifférence à la cruauté.

 Les faits décrits, l’engrenage des railleries et des brimades sont insupportables mais le plaidoyer d’Alice, entre autojustification et refus de responsabilité, l’est plus encore. Tout comme son froid constat des rapports de force au sein d’un groupe « C’est bien connu de toute façon que c’est toujours les plus grandes gueules qu’on écoute même si elles n’ont rien à dire. L’esbrouffe, ça force le respect. Peut-être pas à long terme, mais c’est toujours ça de pris, surtout que le long terme, tout le monde a l’air de s’en battre les cuisses jusqu’à plus ample informé. »

 L’écriture est nerveuse, les phrases sont courtes, incisives, le langage rageur et imagé donne la sensation d’entendre la confession de la narratrice qui nous immerge dans le drame, sans nous laisser le temps de souffler et jusqu’à la nausée.

Ce petit texte de 60 pages s’adresse aux plus grands car, bien que ne comportant aucune scène explicitement choquante, il décrit tant de violence psychologique qu’il laisse après sa lecture un malaise durable. Mais il suscite également, sans jamais donner de leçon, de salutaires réflexions autour de la lâcheté face à un phénomène de groupe. Il est un des trois premiers de la toute nouvelle collection Mini-romans chez Sarbacane destinée aux 12-14 ans: petit format et petit prix mais, si on en juge d’après ce titre, une exigence très prometteuse.

Marie H. 

« Fuck you New York » de Kamel Hajaji

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Fuck you New York

Kamel Hajaji

Ed Sarbacane, collection eXprim’ 2009

Un titre qui provoque pour un livre choc ! Le ton est donné dès le titre !!

La collection eXprim’ de chez Sarbacane fidèle à sa réputation, publie un roman d’un style direct, violent et bouleversant… « Fuck you New York » raconte l’histoire de Malek, 21 ans, français d’origine tunisienne, qui part plein de rêves et d’illusions à New York. Oui, mais voilà, nous sommes en 2003, 2 ans après le crash des avions Boeing sur le World Trade Center et la chasse aux terroristes est ouverte… Malek a le malheur de correspondre physiquement aux auteurs d’attentats : délit de faciès… Il est arrêté à la douane et subit des violences physiques et morales… De français, il devient arabe, étranger et suspecté de terrorisme…Le choc est rude  pour Malek qui, traumatisé ne rêve désormais que de s’arracher à ce monde qu’il ne comprend plus…

Ce premier roman de Kamel Hajaji nous laisse sans voix, nous bouleverse, nous émeut, nous choque (âmes sensibles s’abstenir…!). Malgré des qualités indéniables, ce roman laisse un bilan mitigé. Le lecteur sera sans doute gêné par un vocabulaire parfois grossier, voire vulgaire, certes un langage de banlieue  très actuel mais qui peut en  gâcher la lecture…

Laurence L.

Malek avait un rêve et celui-ci se transforme en cauchemar. Arrivé sur le sol américain il est traité comme un Arabe et non comme un « Frenchies » par les douaniers, choqué par une fouille au corps et par la maltraitance physique et morale qu’il subit, il devient fou et nous le retrouvons interné dans un hôpital psychiatrique. L’alternance entre les épisodes à New York et ceux à l’hôpital est interessante. Le texte de la narration des épisodes à l’hôpital psychiatrique est bouleversant et aurait pu faire un roman à lui seul. Le texte de la narration à New York est d’une lecture plus complexe. D’une part car l’auteur utilise un vocabulaire de banlieue trop « parisien », très différent du vocabulaire de banlieue du sud de la France. D’autre part le narateur interpelle le lecteur tout au long du texte par différents prénoms et cela perturbe la lecture. Un roman qui attire l’attention sur le délit de faciès pur et dur. Un texte qui colle parfaitement à la collection de Tibo Bérard, Plus pour les jeunes adultes que les adolescents du collège et lycée.

Thierry B.