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« Le parloir » d’ Eric Sanvoisin

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Le parloir

Eric Sanvoisin

Editions Gründ

18 ans à peine, accusé de meurtre et incarcéré en préventive, Yann est devenu muet. Recroquevillé, cadenassé, il refuse de répondre aux questions, celle de sa mère, de son avocat, de ses codétenus, quitte à provoquer les larmes ou les coups. Il refuse de répondre ou bien il ne peut pas, mais quelle différence ? Il s’est constitué prisonnier et pour l’appareil judiciaire, l’affaire est entendue.

De parloirs en parloirs, pourtant, c’est une autre histoire qui se dessine autour de lui. Son amour pour Déborah, maltraitée par un père alcoolique et violent, une altercation qui se solde par un geste définitif. Folie passagère ? Légitime défense ? Préméditation ? Face à ceux qui l’aiment et le poussent à parler, expliquer et se défendre, comme à ceux qui le provoquent ou l’agressent, Yann oppose un silence buté et presque suicidaire. Car Déborah, elle, l’accuse sans équivoque. On devine alors l’existence d’un terrible secret mais il faut attendre les dernières pages pour qu’il nous soit révélé. Jusqu’à ce dénouement, au fil des parloirs et des monologues de ses interlocuteurs, le mutisme de Yann exaspère l’attente tandis que la question du pourquoi s’impose en pièce maîtresse de l’énigme.

L’atmosphère de la prison est présente, ses bruits, sa pénombre, ses odeurs, et l’atonie du personnage imprègne la narration. Si certaines scènes sont d’une grande violence, c’est pourtant la lenteur qui caractérise sa descente aux enfers. Le temps s’écoule pour lui sans espoir ni raison, rythmé par les incursions de l’extérieur qui le contraignent à affronter la réalité quand il ne demande plus qu’à oublier. Remarquablement bien mené, ce roman noir repose sur une écriture économe, faite de phrases courtes et de sensations brutes. Un roman à fleur de peau, tout en empathie.

Marie H.

« Peine maximale » d’Anne Vantal

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Peine maximale

Anne Vantal

Ed Actes Sud junior

 

 

Il a vingt-quatre ans, a commis un crime majeur, vient de passer deux ans et demi en prison. Aujourd’hui, il attend sa condamnation.

Elle a vingt-deux ans, est accusée de complicité et va savoir si, au terme de ce procès,  elle dormira elle aussi en prison.

Elle a dix-sept ans, a grandi sans père ni mère, n’a que ce frère et cette sœur pour l’aimer et l’aider à se construire. Elle va peut-être se retrouver seule en famille d’accueil pour de longues années.

Trois membres d’une fratrie, trois jours qui vont déterminer leur avenir.

De très courts chapitres multiplient les points de vue en livrant les réflexions intimes des différents personnages confrontés à ce drame. Victimes et accusés, juge et avocats, ainsi que chacun des neuf jurés, vont ainsi dévoiler les raisonnements que font naître les différents éléments de l’affaire mais aussi leurs sentiments, conditionnés par leurs propres parcours. Certains vont accomplir leur devoir sérieusement, en toute responsabilité, quand d’autres jouiront seulement du pouvoir qui leur est octroyé par le hasard.

On est alors saisis, face à l’égoïsme et la bêtise de certains, par l’absurdité d’un système judiciaire forcément imparfait puisque reposant sur des sentiments profondément humains. Comment rendre la justice sans craindre de se tromper? Comment endosser cette immense responsabilité ?

En nous faisant vivre au présent le déroulement linéaire d’un procès en assise, ce roman nous permet de découvrir les rouages du système judiciaire, de la sélection des jurés à leur délibération finale. Mais en privilégiant la psychologie de chacun des personnages, au fil des témoignages, le récit fait évoluer notre propre appréciation du crime commis et de la peine méritée. Car si la volonté de l’auteur nous conduit peu à peu, avec beaucoup d’habileté, à souhaiter un espoir de reconstruction pour ces enfants malmenés par la vie, chacun reste libre d’imaginer la sentence qu’il prononcerait. Et l’exercice de réflexion, guidé par une écriture facile et plaisante, promet d’être profitable à de nombreux adolescents, souvent ignorants des mécanismes de la justice.

Marie H.