Karin Serres
L’école des Loisirs – Théâtre
Prix du Théâtre en Page 2012
Ludo est un enfant différent. Sa lenteur le désigne comme victime de toutes sortes de moqueries blessantes, sombre idiot, pauvre andouille, bécasson, crétin, débile, simplet… Et Fabrice, caïd de la cour de récréation, en a fait son souffre-douleur personnel. Jusqu’au jour où une nouvelle insulte fuse : mongol ! Le dictionnaire lui ouvre alors un monde inconnu et fascinant. Pour explorer la Mongolie, il va jusqu’à se lancer dans des recherche à la bibliothèque et commence à s’imprégner de cette culture, ce qui ne va pas faciliter ses relations avec son entourage. Il décide en effet de se raser la tête, ne plus se nourrir que de laitage et de viande, prendre des cours d’équitation, récite par cœur de longues listes de mots aux étranges consonances et se mets à répondre insultes par des Verge d’âne! ou Outre à excrément! qui laisse ses agresseurs sans voix. De victime, il devient héros à ses propres yeux, Gengis Khan pour le moins. Et s’il paraît plus bizarre que jamais aux yeux des autres, il est également beaucoup plus heureux, rempli d’une euphorie et d’une curiosité qu’il ressent pour la première fois. La construction imaginaire d’un Ludo ivre d’espace et de liberté sera-elle assez solide pour résister aux contraintes normatives de son environnement ?
Mongol a d’abord fait l’objet d’un roman (Prix du roman européen 2004), publié à L’école des loisirs dans la collection Neuf. Karin Serres l’a entièrement réécrit pour le théâtre à la demande de Pascale Daniel-Lacombe.
Le passage à une continuité dialoguée donne beaucoup de vivacité au récit et un poids accru à la signification des mots. Tandis que son entourage, même le plus aimant, l’affuble systématiquement de qualificatifs dévalorisants dans la plus coupable inconscience des ravages qu’occasionne ce travail de sape pernicieux, Ludo édifie patiemment un rempart à partir des mots de cette langue étrangère qu’il répète comme un mantra. La lutte solitaire de la culture et l’imagination contre les certitudes majoritaires, faites d’ignorance et d’intolérance, et la bêtise aveugle, mais bavarde.
Concernant la culture mongole, ce sera l’occasion de faire découvrir la vie quotidienne des enfants de la steppe dans les deux films admirables de la jeune réalisatrice mongole Byambasuren Davaa : » Le chien jaune de Mongolie » et » L’histoire du chameau qui pleure » ainsi que dans le très poétique « Mongolian ping-pong » du réalisateur Ning Hao. Une immersion dans une culture radicalement différente, des images somptueuses, un regard intelligent et généreux, des films rares.
Marie H.
A propos de l’adaptation et la mise en scène de la pièce, écouter l’entretien du 05/11/2011 sur France Culture