Archives de Tag: misère

« Les orphelins d’Amérique » de Michel Piquemal

Par défaut

Couverture_Orphelins_HD_bordures-673x1024Les orphelins d’Amérique

Michel Piquemal

Editions Le Muscadier – Collection Place du marché

ISBN : 9791090685208

Trois courtes nouvelles nous font découvrir les conditions misérables dans lesquelles vivent aujourd’hui des milliers d’enfants livrés à eux-mêmes, dans un continent qui compterait quelques soixante millions de mineurs en situation de rue (dossier documentaire en annexe)

L’histoire de Paco se déroule au fond d’une mine de charbon colombienne. La haine qu’il éprouve pour l’esclavagiste qui les retient prisonniers, lui et ses compagnons orphelins tenus par les dettes de leurs parents, va-t-elle l’aider à échapper à son destin ?

Esteban voit lui aussi l’espoir d’échapper à la violence de la rue de Bogota. Il a la possibilité d’intégrer le Centre d’accueil pour orphelins mais il lui faut pour cela abandonner ses amis et touts las repères qu’il s’est créé. N’est-il pas trop tard déjà ?

Mario vit au jour le jour dans les bas quartiers de Rio, il se nourrit peu et mal de petits chapardages qui exaspèrent les commerçants qui en sont victimes. Il court le risque d’une sanction disproportionné, mais a-t-il le choix ?

Avec ces récits sans concession, Michel Piquemal nous plonge au cœur de l’esclavage moderne, de la criminalité et des violences ordinaires de la rue. Au plus juste de ces réalités, avec une écriture sobre et des mots simples, loin de tout effet littéraire, il nous livre là l’effroyable banalité de la misère. Bouleversant.

Déjà paru aux éditions Syros en octobre 1998.

Marie H.

« Broken glass » de Sally Grindley

Par défaut

Broken glass

Sally Grindley

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laurence Kiéfé

Editions Flammarion – Collection Tribal

Les broken glass du titre, ce sont les morceaux de verre que ramassent les enfants abandonnés ou orphelins dans les montagnes d’ordures qui jonchent les rues et encerclent les grandes métropoles de l’Inde contemporaine.

Suresh, douze ans, et son jeune frère Sandeep, neuf ans, forment avec leur père, leur mère et leur grand-mère une famille traditionnelle et heureuse. S’ils ne font pas partie des privilégiés, ils appartiennent à la classe moyenne, se régalent de la cuisine maternelle, bénéficient de soins médicaux réguliers et surtout, vont à l’école  de façon assidue. Ils ont d’ailleurs appris à mépriser ces enfants déguenillés qui passent leur temps à jouer dans la rue de leur village au lieu de préparer leur avenir en travaillant dur. Mais leur père est brutalement licencié. Déjà ébranlé par la mort de sa mère, il se met à boire, devient violent et accuse les siens d’être une charge trop lourde, rendant l’atmosphère familiale insupportable. Convaincu qu’ils sont responsables de la situation, Suresh décide de partir avec son frère dans une grande ville où il trouvera, il n’en doute pas une seconde, un travail qui lui permettra de faire venir leur mère pour la soustraire aux coups de son mari. La première partie du projet aboutit et les voilà, au terme d’un voyage hasardeux qui leur fait découvrir la faim et le froid, arrivés dans une vraie grande ville. C’est alors que la réalité frappe de plein fouet, impitoyable. Ils sont des centaines à glaner, chaparder ou accepter des trafics douteux pour survivre. Même les plus dangereux ou rebutants des petits boulots se disputent âprement. Le moindre recoin constituant un abri de fortune fait l’objet de féroces combats. Il faut appartenir à une bande, seul le nombre permet de s’en sortir. Grâce à Vikas, un gamin débrouillard très au fait des règles de la rue, Suresh et Sandeep commenceront au bas de l’échelle du ramassage, dans le tri des morceaux de verre. Un travail harassant et risqué qui leur permet à peine de se nourrir. Dans leur terrible apprentissage de la rue, les deux frères auront la chance de rencontrer les bonnes personnes. La fin, digne d’un roman de Dickens, est d’ailleurs hautement improbable. Mais peu importe, le récit est saisissant et certaines scènes ont une grande force visuelle.

Marie H.

« Laisse brûler » d’Antoine Dole

Par défaut

Laisse brûler

Antoine Dole

Ed Sarbacane, coll EXprim’, 2010

Laisse brûler d’Antoine Dole : un triangle noir formé de trois destins croisés, trois solitudes qui s’entrechoquent, s’embrasent et brûlent… trois voix, trois narrateurs : Noah, jeune étudiant anéanti par un certain Julien, Maxime amoureux de Noah, et Julien animateur télé mêlé  de force à ces deux destins… Un roman sur la misère sexuelle, le sexe facile, sans lendemain, sur l’autodestruction…Laisse brûler c’est une écriture pleine de rage, de violence mais ô combien sublime, poétique…jamais vulgaire.

«  Vingt minutes de ma vie qui se distinguent sur l’empreinte digitale de mon âme mais que je refuse de voir. Ca reste comme impossible à rendre réel. Pourtant c’était hier, comme aujourd’hui, comme si rien depuis six ans n’avait pu exister que cette ombre-là, démesurée et grande. Avec l’instinct de la cage. Depuis ce court moment, je ne suis fait que de cadenas et de points d’ancrage. Prendre le cœur et y visser le malaise, puis avec la colère enfoncer quelques clous. Et plus le résultat est branlant, plus c’est réussi : c’est ça la vraie peine, instable, rien ne tient dessus.  Faut voir comme c’est facile pour lui, de t’infliger, t’asséner la sale vérité de crevard dans laquelle il étouffe, d’en devenir tout puissant. Sans que t’aies rien demandé, il te vomit tout ce qu’il peut dans l’âme, se décharge de cette gangrène horrible qu’il ne parvient pas à souffrir seul. Comme un tatouage qu’il te dessine sur le front, une large balafre en travers du visage avec laquelle faudra que tu vives. Et il s’en fout au fond, ta croix, plus la sienne ; Pour lui, ce qui se passe est suffisamment irréel pour ne pas être grave, il n’y croit même pas vraiment. »

Laurence L.

autre analyse :

Antoine Dole nous livre 3 portraits, 3 hommes : Noah, Julien et Maxime. Noah est l’étudiant qui se gave de médicaments, s’invente une rupture amoureuse pour cacher (à lui-même et aux autres) le terrible secret du viol qu’il a subit. Il multiplie les conquêtes et les aventures d’un soir pour tenter d’oublier. Maxime est le scénariste raté qui n’arrive pas à aligner 2 lignes de scénario. Il est amoureux de Noah qui vient de rompre avec lui. Sa motivation est de venger Noah de celui qui l’a largué. Julien est le présentateur vedette d’une chaîne de la TNT qui se retrouve, bien malgré lui, au cœur de l’histoire.

Antoine Dole joue sur les sentiments exprimés et les non-dits. Il utilise le vocabulaire du feu (Eclosion, combustion, brasier, extinction etc.). Les personnages se consument, se brûlent, attisent les regards, les passions, la haine etc. L’auteur par une écriture remarquable, soignée emmène le lecteur du premier aux derniers mots sur ces 3 parcours croisés, ponctués de noirceur et de tendresse. Il décrit une misère sexuelle, le sexe facile, sans lendemain, l’autodestruction… Nous sommes face à ce roman, comme devant un brasier, attirés par le spectacle des flammes tout en sachant que la puissance du feu peut nous brûler, nous détruire. Nous avons tous, au plus profond de nous même, une flamme qui brûle, nous dévore, nous consume. Cette flamme c’est également le moteur de notre vie, alors….. LAISSE BRÛLER !

Thierry B.