Archives de Tag: harcèlement

« Western girl » d’Anne Percin

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Anne Percin

Editions du Rouergue – Collection DoAdo

Si le dernier roman d’Anne Parcin nous surprend, c’est par la toile de fond qu’elle a choisie. Car si l’on retrouve une jeune héroïne qui raconte ses mésaventures à son journal – « cher JDB »- avec l’humour et la verve qu’on lui connait depuis Comment (bien) rater ses vacances, le contexte est pour le moins dépaysant. Elise est en effet, depuis sa plus tendre enfance, fan de culture country: le cheval, bien sûr, mais aussi la musique, les chemises à carreaux, les bottes à franges, les westerns, les Buffalo Grill, le pop corn, bref, la totale. Et voilà que le destin, en l’occurrence  le licenciement de sa mère et la prime qui l’accompagne, lui permet de réaliser son rêve, découvrir le Middle West durant un stage de trois semaines dans un ranch. Mais elle ne part pas seule, 11 autres adolescents sont également inscrits et dès l’aéroport, Elise constate qu’ils ne jouent pas dans la même catégorie. Ils sont tous fils de bourges et, accessoirement, têtes à claques. Heureusement, il y a Georgia, qui bavarde volontiers et à laquelle elle peut raconter sa vie durant les longues heures de vol. Mauvaise pioche! Georgia est en fait une sale petite garce qui va lui pourrir le séjour. ou du moins s’y employer. Car Elise, confrontée à une méchanceté qu’elle aurait été incapable d’imaginer, va se découvrir plus solide qu’il n’y parait. Face à un harcèlement qui finit par contaminer tout le groupe, elle va développer courage et intégrité pour rester fidèle à ses valeurs.

C’est tout en finesse et avec beaucoup de justesse qu’Anne Percin aborde des sujets aussi graves que le harcèlement, le racisme et le mépris des classes dominantes, dans un récit alerte à l’humour tonique et au ton résolument optimiste. La découverte du Middle West – dont certaines descriptions sont d’une grande qualité d’écriture – est agréablement dépaysante et cette incursion dans la culture country en compagnie d’une passionnée a le mérite de faire tomber bien des préjugés. Soit un bon moment de plaisir et un beau voyage.

Marie H.

 

« Frangine » de Marion Brunet

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Marion Brunet

Editions Sarbacane – Collection Exprim’

Une rentrée de plus, une rentrée comme les autres, en tous cas pour Joachim, terminale sur les rails d’une scolarité sans problèmes. Mais s’il en est le narrateur, cette histoire n’est pas la sienne et pour sa jeune sœur, le passage au lycée est plus que brutal. Pauline passe sans transition du pays des bisounours, comme elle qualifie sa vie de famille, à un univers sans pitié où la moindre faute peut être définitive. Car là où on détaille votre jean, sa coupe, sa marque, le prix qu’il a coûté et l’endroit où on l’a acheté, « … si t’as pas les codes, t’es dans la merde. ». Or, Joachim et Pauline vivent une situation familiale hors normes : pas de papa, deux mamans. Et là où Joachim a toujours su faire respecter une différence qu’il affirme sans provocation mais avec une tranquille assurance, Pauline se heurte, dès les premiers jours, à une homophobie de bon ton qui tourne très vite au harcèlement de groupe. Même ceux qui désapprouvent préfèrent se taire, de peur d’attirer sur eux cette violence débridée. En proie à des problèmes d’adultes, parents et référents éducatifs sont malgré toute leur bienveillance aveugles à la détresse de l’adolescente qui se retrouve bientôt en réel danger, physique aussi bien que psychologique. Et le grand frère, aussi protecteur qu’il veuille se montrer, s’aperçoit bien tard à quel point l’intégrité de sa sœur est menacée.

« Au lycée, pas le choix : tu te dessines toi-même un rôle taillé dans tes modèles et si tu y crois assez fort, les autres suivront. Si tu doutes un peu trop et si ça se voit, tu vas ramer longtemps avant de te faire une place au soleil » Et c’est bien de modèle qu’il s’agit dans ce roman. De modèles dominants et terroristes, ravageurs à un âge où l’on voudrait s’inventer unique et différent sans pourtant trop braver le regard des autres. Loin de tout opportunisme sociétal en prise avec une actualité brûlante, le récit est d’une grande justesse, dans la violence des mots et des gestes mais aussi dans la chaleur rassurante d’une famille aimante. Et s’il est remarquable, c’est bien dans la description du quotidien d’une famille ordinaire : deux mamans, un frère et une sœur, confrontés aux difficultés de la vie avec une belle cohésion et, surtout, beaucoup  beaucoup d’amour, un amour lumineux et réconfortant, fait de respect et de bienveillance. Il est également un hymne à la fraternité, comme rarement dans une fiction destinée à des adolescents. Et aussi au courage et à l’intégrité, car c’est Pauline et elle seule qui trouvera la bonne attitude à affirmer face à la bêtise et la cruauté.  A conseiller sans réserve, à l’heure où l’on entend tout et n’importe quoi, y compris l’impensable, au sujet des parents de même sexe.

Marie H.