Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Nathalie Peronny
Editions Gallimard – Collection Scripto
3 voix alternées, 3 ados à la dérive. Billie, Chris et Rob ont en commun leur mal de vivre et un gros problème avec l’autorité. Toute proportion gardée…
Chris bénéficie d’une structure familiale solide et ses parents l’aiment mais de façon autoritaire et intrusive. Or, s’il est d’une intelligence supérieure à la moyenne, Chris refuse de travailler. Perte de temps, école dépassée, méthodes périmée, ses raisonnements sont imparables, sa volonté inflexible et il est prêt à aller très très loin dans une épreuve de force.
Billie, elle, est une illustration vivante des statistiques sociologiques : mère alcoolique, misère, foyers d’accueil, adolescence violente, fugues, agressions… Véritable boule de souffrance durcie au fil des années, des échecs, des rejets et des espoirs déçus, elle est devenue une vraie légende tant elle se bagarre. Ce qui fait que, victime de sa réputation telle Billy the kid, son destin semble scellé quand bien même elle se déciderait à changer. Et malgré les efforts des personnes de bonne volonté qui la suivent depuis son enfance, elle est maintenant à deux doigts de la prison pour mineurs.
Quant à Rob, malgré son physique de brute, il est victime de harcèlements systématiques : trop gros, de trop grandes oreilles monstrueuses, trop gentil et trop lâche aussi… S’il se fait remarquer, c’est aussitôt pour devenir souffre-douleur. A croire que ce qu’on lui fait vivre chez lui se devine et stimule les instincts sadiques. Mais lorsque sa situation familiale vire au cauchemar, il pourrait bien perdre le contrôle, lui aussi.
Au début, l’alternance de ces voix est presque irritante, tant chacune d’elle est prenante, tant chaque histoire pourrait facilement faire l’objet d’un récit à elle seule. Puis les fils se croisent et se mêlent, et c’est alors pur bonheur. Le lecteur est un instrument, il peut lire toutes les partitions mais seules certaines le font vibrer de toutes les émotions possibles. Melvin Burgess est de ceux qui composent ces partitions-là et il en est sans conteste un des plus grands. Il démonte ici les mécanismes de la violence et porte un regard sans concession sur un système qui exclu trop vite et condamne sans appel. Au cœur de la réalité avec un ton direct et juste, un langage cru, un grand sens du rythme. Et surtout, avec beaucoup beaucoup d’humanité et de compréhension.
Marie H.