Archives de Tag: conditions des femmes

« Bacha posh » de Charlotte Erlih

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bachaposhBacha posh

Charlotte Erlih

Editions Actes Sud junior – Collection Romans Ado

Farrukh est un jeune Afghan très singulier. Fluet de constitution mais débordant d’énergie, il a su s’imposer comme chef de sa bande de copains et les gagner à sa passion de l’aviron. Il leur impose un entraînement sévère et ambitionne rien moins que de participer aux Jeux olympiques. A force de volonté, malgré le manque de moyens, le rêve est à portée de main : être la première équipe afghane inscrite dans la catégorie pour une compétition internationale.

Mais les lois de la nature s’imposent brutalement et vont ruiner tous ses efforts. Les premières règles ont tardé mais elles sont bien là, rappelant  à Farrukh qu’elle était, à la naissance, Farrukhzad. Si elle est devenue une « bacha posh », une de ces filles habillées et élevées comme un garçon pour sauver l’honneur du père aux yeux de la société, puisque il n’est pire honte que de ne pas avoir engendré de fils, il lui faut maintenant retrouver son statut de femme. Elle doit donc abandonner tout ce qui faisait jusqu’à ce jour sa joie et sa raison de vivre, à commencer bien sûr par l’aviron. Mais elle découvre également la condition de la femme afghane, soumission, obéissance, tchador et tâches ménagères. Ce qui lui paraissait si naturel dans le quotidien de ses quatre sœurs devient pour elle un cauchemar insupportable. Sans compter que l’aînée se fait un plaisir de lui en faire découvrir les plus sombres aspects et que la plus jeune, Amina, doit à son grand désespoir la remplacer dans le rôle du garçon de la famille. Farrukh disparaît, comme s’il n’avait jamais existé, mais le mensonge familial perdure.

Absurdité et hypocrisie d’un usage permettant de contourner la rigidité des codes, soumission à des règles injustes, négation de l’individu en raison de son sexe… A travers cette coutume très particulière et couramment pratiquée bien que taboue, ce court roman, bien construit et de lecture facile, a le mérite de mettre en lumière la condition des femmes dans un pays soumis à la loi des hommes. De quoi éveiller la curiosité et susciter la réflexion. On pourra proposer, dans le prolongement de cette lecture,  le très beau film réalisé en 2003 par Siddiq Barmak, Oussama,  qui évoque cette même coutume dans un contexte plus dramatique encore, celui de la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan.

Marie H.

« La voiture d’Intisar » de Pedro Riera

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voitureLa voiture d’Intisarcoup de coeur

Récit de Pedro Riera

Dessins de Nacho Casanova

Editions Delcourt

Suivre Intisar à bord de sa Corolla, c’est plonger dans un monde d’autant plus déroutant qu’il est fait de détails banals et familiers mélés à des règles de vie extrêmement dérangeantes. Car Intisar, jeune femme moderne et déterminée, est Yéménite. Partager sa vie, en de courts épisodes qui constituent autant de facettes d’une réalité étrangère, c’est découvrir les codes de conduites et les contraintes auxquelles sont soumises les femmes yéménites aujourd’hui. La plus spectaculaire et sans doute la plus connue de nous est le port imposé du niqab qui, pourtant, garantit très paradoxalement aux femmes un de leur rare espace de liberté dans la sphère publique: « Qui va te reconnaître sous ton déguisement de ninja? » demande Intisar avec un soupçon d’ironie. L’anonymat qu’il offre lui permet de conduire une voiture à l’insu de son père (et faire ainsi la course avec des hommes en toute impunité « Stupide et puéril! » reconnait-elle« mais c’est plus fort que moi »). Cette voiture est pour elle un symbole de résistance, certes limitée, mais vitale. Car Intisar fait partie de ces femmes qui refusent de se résigner à être considérées comme des personnes irresponsables, nécessitant protection et surveillance toute leur vie. Ce qu’elle nous raconte de ses rapports avec les hommes de sa famille en dit long sur ce régime de ségrégation sexuelle «  Les hommes disent tout le temps qu’ils veulent que les femmes les respectent, mais c’est faux… Tout ce qu’ils veulent, c’est qu’on leur obéisse et qu’on les craigne. Mais la peur, ça n’a rien à voir avec le respect ».  Elle en dit long sur les relations de respect, de mépris, de violence, de soumission et d’arbitraire qu’il génère dans sur une société où la peur du regard de l’autre fabrique sa propre prison. De cette prison-là, Intisar, personnage fictif construit sur la base de nombreux témoignages recueillis par l’auteur durant son séjour au Yémen, nous raconte également comment conserver espoir, humour, joie, dignité et intégrité.

Ce roman graphique constitue un document unique dans sa forme sur la condition des femmes au Yémen et a obtenu en janvier dernier un très mérité Prix France Info de la bande dessinée d’actualité et de reportage.Son auteur, Pedro Riera, romancier espagnol d’origine, est diplômé en sciences de l’information. La mise en images de Nacho Casanova, également espagnol, met ce reportage à la portée du plus grand nombre en privilégiant la simplicité du trait et la lisibilité des dessins. Avec un graphisme sobre habillé de quelques ombres tramées, des décors réduits à l’essentiel mais solidement plantés, il sait donner vie et expression à ses personnages, et insuffler de l’émotion aux monologues d’Intisar.

Un dossier documentaire concis mais passionnant approfondit en fin d’ouvrage quelques aspect de la vie yéménite. Abordable dès le collège, ce reportage est à mettre dans toutes les mains. Au-delà de la découverte d’un pays lointain et assez mystérieux, il parle d’une conception du monde et des rapports hommes/femmes qui concerne une bonne partie de la planète et repose sur des codes qui, pour étrangers qu’ils nous paraissent, doivent néanmoins être connus et compris.

Je ne peux m’empêcher pour finir, et achever de vous convaincre de la nécessité d’acheter, lire et proposer cet album, de citer une partie du prologue signé Une femme yéménite:

«  Ils ont beau essayer de me forcer à me soumettre, je n’en reste pas moins la petit-fille d’Arwa bint Ahmad, reine du Yémen, et la petite-fille de Balkis, reine de Saba. Ils auront beau s’efforcer de rabaisser mon existence, je n’en reste pas moins la fille d’une mère qui m’a appris à marcher la tête haute et le pas ferme. Je n’en reste pas moins TOUTES les femmes dont l’esprit est libre et dont les idées retentissent plus fort que n’importe quelle coutume ou tradition. »

Marie H.

« Les souliers écarlates » de Gaël Aymon et Nancy Ribard

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Les souliers écarlates

Gaël Aymon, illustrations de Nancy Ribard

Ed Talents Hauts

Soutenu par Amnesty internationale ce conte aborde le sujet sensible des femmes battues.Une princesse délicate, magnifique est la femme d’un homme grand et fort qui l’a bat et la considère comme sa chose, sa poupée, son jouet. Enfermée dans un palais/prison doré elle souffre en silence de la maltraitance de son époux. Comme ce dernier la couvre de cadeaux pour se faire pardonner et se donner bonne conscience vis à vis des invités, elle lui demande, un jour, de lui offrir des souliers de satin rouge que fabrique un cordonnier du royaume. La nuit venue ses souliers lui permettent de s’évader. Le mari découvre la ruse, la troisième nuits. Il suit son épouse, se jette sur elle poings fermés. Mais la belle réussira à se sauver et à se libérer de la violence de son mari.

Gaël Aymon dans la tradition du conte, nous livre une histoire poignante. Il délivre un message aux jeunes lecteurs et leurs familles.  Il fallait son style, sans détours, tout en finesse pour parler de ce sujet. Cet ouvrage est réhaussez par les illustrations contemporaines de Nancy Ribard. Un mari imposant, une épouse frêle au teint de porcelaine, et puis il y a la couleur. Les rouges attirent l’attention. Rouge pâle, presque rosé des pommettes. Rouge puissant de la colère. Rouge profond, rouge pourpre, rouge écarlate et j’en oublie tant la palette de Nancy Ribard est riche et variée.

Pour parfaire l’objet livre, des pages de garde au motif de dentelles « gouttes de sang » rouge écarlate.