Archives de Tag: antisémitisme

« La chanson de Richard Strauss » de Marcus Malte

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La chanson de Richard Strauss

Marcus Malte, illustrations d’Alexandra Huard

Ed Sarbacane

Une histoire d’amitié pendant la seconde guerre mondiale. Un album fort, où texte et illustrations impeccablement liés font monter la tension avec beaucoup d’émotion et de pudeur.

 

Quelle affaire, quelle affaire

Etrange et singulière,

Quel mystère que l’amour sur la Terre.

 

On s’y perd, on y perd

Son ego, son alter,

Son souffle et sa pantoufle de vair

 

Richard Strauss est un enfant juif, pendant la seconde guerre mondiale. Son meilleur ami, son alter ego, est aussi son voisin avec lequel il passe tout son temps. Mais la guerre s’intensifie et une drôle de voix à la radio raisonne de plus en plus fort. Richard Strauss a peur et va bientôt être séparé de son fidèle ami…

Et la voix à la radio

A mesure

Enflait

 

Et la voix

A présent

Menaçait

 

 La voix grondait

La voix aboyait

La voix martelait

La voix tonnait

 

Le texte très poétique et très imagé de Marcus Malte et les illustrations d’Alexandra Huard  très parlantes sont rythmés par l’angoisse éprouvée lors de l’arrivée du nazisme. Rien n’exprime jamais clairement le génocide juif. Ce sont les images qui nous disent les choses par leurs nombreux détails, réalistes ou symboliques.

 

Lorène P.

« L’enfant cachée » de Loïc Dauvillier

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L’enfant cachée

Scénario de Loïc Dauvillier

Dessins de Marc Lizano

Couleurs de Greg Salsedo

Editions Le Lombard

Surprenant sa grand-mère recueillie sur de vieilles photos, Elsa l’incite à lui confier les raisons d’une tristesse qu’elle ne parvient pas à dissimuler. La vieille dame va alors lui dévoiler un passé dont elle n’a jamais parlé à personne, livrant l’histoire de la petite fille qu’elle était pendant l’occupation, une petite fille juive qui ne savait pas encore ce qu’être juif voulait dire. Des premières brimades subies à l’école à l’arrestation brutale de ses parents, qu’elle entend cachée dans un double fond de l’armoire familiale, la montée de l’exclusion et des persécutions est esquissée avec justesse, faite d’une succession de détails et de scènes mémorisées par une enfant jusqu’alors insouciante. C’est ensuite le récit de sa fuite et, une fois à l’abri, de sa longue attente angoissée : retrouvera-t-elle un jour ses parents ?

Les personnages secondaires restituent parfaitement l‘ambiance de cette période, révélant le pire comme le meilleur de chacun. La concierge délatrice, l’institutrice antisémite, les voisins et la fermière prêts à mettre leurs vies en danger pour sauver quelques-uns des persécutés, en sont autant de figures emblématiques. La petite Dounia, elle, est constamment bouleversante. En centrant son histoire sur elle, avec un scénario simple mais habile, Dauvillier parvient à faire passer beaucoup de choses essentielles. Les questions d’Elsa ponctuent le récit de sa grand-mère, dont celle, cruciale, à laquelle nul ne peut répondre. Pourquoi ?

La mise en couleurs de Greg Salsedo, dans une palette de tons doux mais sombres à dominante sépia, installe une atmosphère oppressante qui fait écho à la détresse de cette enfant, contredisant ainsi le trait rond et faussement naïf de Marc Lizano. La simplicité du découpage, des dialogues courts et un vocabulaire facile, permettent de mettre cette période de l’histoire à la portée des plus jeunes. Mais au-delà de cette page d’histoire, c’est l’enfance injustement bouleversée par la sauvagerie des adultes qui est au cœur de cet album. Le douloureux parcours de Dounia touchera tous ses lecteurs et fera naître de difficiles mais salutaires questions.

Marie H.

« Zone tribale » de Pascale Maret

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Zone tribale

Pascale Maret

Ed Thierry Magnier, coll Roman

À la maison rien n’est drôle pour Souf Bédié. Souf vit dans la banlieue parisienne. Dans une banlieue où s’affronte les bandes de « renois », celles des « rebeus » et celles des « feujs » ! Perdu il tombe dans le piège d’un prédicateur, Chaka, défenseur d’une Nation noire, qui dirige La Première Tribu, une société secrète, un groupuscule antisémite, raciste à la gloire de la négritude. Ses membres se réunissent dans les caves de la cité Verlaine pour préparer la révolution. Souf est sous le charme. Souf s’isole croyant agir pour la grande cause des noirs. Il s’éloigne de son meilleur ami, Kamel, qui le met en garde contre le charisme de Chaka et ne réussit pas à le faire changer d’avis. Dans cette cité arrive Freddie et sa sœur, Angie. Angie, la belle black qui fait tourner les têtes des garçons. Angie, élève studieuse du lycée. Souf tombe amoureux, mais Angie repousse ses avances. Elle n’a d’yeux que pour Maxime, ce jeune apprenti journaliste qui veut réaliser un reportage sur le conflit entre les bandes dans ce quartier. Furieux, déçu, Souf les piste et découvre que Maxime est juif. Poussé par la haine des « feujs », savamment distillé par Chaka, il commandite et participe activement à son rapt. Pascale Maret nous livre ici un roman sur la notion de vision du  groupe et de l’individu. Souf va évoluer dans ces rapports avec  Maxime à partir du moment où il apprend son prénom. Devant les membres du groupe il reste le « feuj » et en tête à tête dans la cave où il est retenu otage c’est Maxime. C’est la notion d’individu qui va faire changer d’avis Souf. L’otage devient à ses yeux une personne, un être humain. Quand Chaka demande à Souf de tuer l’otage, il réalise qu’il est encore temps de changer le cours des choses. Est-il vraiment prêt à commettre l’irréparable ? Pascale Maret attire l’attention sur la complexité de chaque individu, de ces rapports aux autres individuellement ou en groupe. Une très belle leçon d’humanité.

Thierry B.