« Brume, petites histoires pour l’environnement »

Brume, petites histoires pour l’environnement

Collectif

Préface d’Alain Bougrain-Dubourg

Editions Ankama – CFSL Ink

Un collectif, 19 récits, 31 jeunes auteurs et un bel élan généreux pour un gros album de 270 pages, destiné à changer notre regard sur le monde et nous convaincre de l’urgence à s’impliquer dans la protection de notre environnement naturel. Comme dans toute anthologie, les propositions sont inégales, entre pamphlets rageurs ancrés dans la réalité contemporaine, spéculations futuristes ou contes gentiment démonstratifs.

Dans Retour à la mer d’Aral, Kim Nguyen et Ludovic Ouali dressent le constat désespérant d’une réalité avérée, tout comme Guillaume Clavery et Paul Drouin dans Erika. Réminiscence, de Nerval et Nicolab, nous propose une anticipation glaçante très réussie tandis que Grayshuko, avec La contre-attaque du panda, livre une aventure écolo-terroriste dont le scénario convaincant est servi par un graphisme très abouti. Mysday, elle,  nous offre une jolie fable humaniste dans son Jugement dernier, aux couleurs chaudes et lumineuses. Car l’éventail des talents, ainsi que celui des techniques utilisées, est large et permet de découvrir des auteurs très prometteurs. Le tandem Igor-Alban Chevalier et Anael Snoek, avec son saisissant et cauchemardesque Meat coke, ou le cynique et délirant Chamallow, de Melvil et Kalkair, sont particulièrement remarquables. Petit plus non négligeable, le récapitulatif des auteurs en fin d’ouvrage donne la possibilité de les retrouver sur Internet et de suivre leur travail. Au final, un bel album sur un sujet sensible, souvent galvaudé, traité ici avec cœur et enthousiasme. Pour tout amateur de bande dessinée à partir de 12 ou 13 ans.

Petite précision pour les militants : 1€ est reversé pour la vente de chaque album à la Ligue de Protection des Oiseaux.

Marie H.

« Le dernier jardin » de Lauren DeStefano

Le dernier jardin

T.01 : Ephémère

Lauren DeStefano

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Tristan Lathière

Editions Castelmore

Tout commence dans un véritable cauchemar. Un groupe de jeunes filles terrorisées sont parquées et évaluées comme du bétail par des hommes armés. Trois d’entre elles sont sélectionnées sans égard, les autres abattues sans hésitation. Cette histoire est racontée à la première personne par l’une d’entre elles, Rhine, seize ans seulement, enlevée brutalement à son quotidien qui, nous le découvrirons peu à peu, était loin d’être rose. Car le monde a été bouleversé par la plus grande découverte scientifique de tous les temps, la création d’une nouvelle génération d’enfants génétiquement modifiés, exempts de tout défaut et immunisés contre toutes les maladies. Mais ces enfants, bien que parfaits, meurent inexorablement au seuil de l’âge adulte. Condamnés à une existence extrêmement courte, la notion d’avenir n’a plus de sens pour eux.

Dans ce monde menacé par l’extinction de l’espèce, la plupart se battent pour leur survie immédiate quand certains privilégiés tentent d’assurer leur descendance en contractant des unions polygames, de manière à multiplier leur chance de concevoir des enfants épargnés par cette programmation génétique. Rhine a la chance d’avoir été choisie par le fils d’un homme riche et puissant, un de ceux qui font des recherches pour rectifier cette programmation. Elle se retrouve avec ses Sœurs épouses dans une bulle dorée, loin da misère et du chaos qui sévissent désormais, jouissant même d’un luxe insolent. Mais cette nouvelle vie, aussi enviable qu’elle paraisse, est celle d’une recluse. Lorsque l’on a plus que quatre années à vivre, a-t-on envie de les passer dans une prison auprès d’un homme que l’on n’a pas choisi ? Peut-on oublier qu’il vous a achetée comme une marchandise ? Qu’il vous a arrachée à votre existence pour vous modeler selon ses besoins? Rhine refuse de se satisfaire de cette vie-là. Poussée par un besoin essentiel de liberté, elle va simuler l’obéissance et tout mettre en œuvre pour s’évader.

Ce premier tome est un huis clos étouffant, marqué par l’enfermement, la privation d’identité, l’angoisse du temps qui passe et la peur de la mort. Soumise comme le reste de la maisonnée à l’autorité inflexible et malsaine du maître des lieux, mue par la révolte et le désir de vivre, également travaillée par l’empathie et la pitié, Rhine nous fait partager sans effort son combat en même temps que la découverte d’un univers aux règles inquiétantes et mystérieuses. Ses rares sorties à l’extérieur suggèrent un monde bouleversé par des évènements dont nous ne sauront que peu de choses mais qui aiguisent notre curiosité et notre attente de la suite de cette trilogie. Les thèmes abordés ciblent des lecteurs avertis et amateurs d’anticipation.

Marie H.

« Unique » de Alison Allen-Gray

Unique

Alison Allen-Gray

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne)

Ed Bayard – Collection Millezime

Dans ce futur très proche, tout le monde roule à l’énergie électrique mais peu de progrès sont spectaculaires, hormis les découvertes en neurochirurgie qui permettent de véritables miracles. Dominic, adolescent ordinaire parmi d’autres, a la chance d’appartenir à un milieu social favorisé, mais la dureté et les exigences de son père lui rendent la vie difficile. Cette vie bascule dans un cauchemar lorsqu’il découvre qu’il n’est que le clone d’un frère, disparu avant sa naissance, beaucoup plus brillant et définitivement irremplaçable. De ce terrible secret dépendent les vies de plusieurs personnes, car le clonage est strictement interdit et puni de mort. Dominic est donc tout à la fois le dernier espoir de ses parents et le produit sulfureux d’une expérimentation tabou. Mais cette découverte est avant tout pour lui source de questions essentielles autour de ce qui a déterminé son existence, l’amour réel ou fantasmé de ses proches, sa capacité à déjouer la prédestination des gènes et contrer la volonté névrotique de son père de lui voir réincarner un fils exemplaire.

Le sujet du clonage et les questions qu’il suscite sur l’identité, si proches de celles qui travaillent le passage à l’âge adulte, apparaissent ces derniers temps de façon récurrente dans la littérature destinée aux  adolescents. Cette anticipation, sans être révolutionnaire dans sa structure ni dans ses questionnements, maintient suspense et intérêt grâce à une écriture efficace et rigoureuse. Plus classique dans sa narration que Jenna Fox, publié récemment chez Les Grandes personnes, il propose des pistes de réflexion similaires autour de la bioéthique et de ce qui constitue l’identité d’un individu.

Marie H.