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« Le dragon de glace » de Mikael Engström

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Le dragon de glace

Mikael Engström

traduction du suédois d’Anna Marek

Ed La joie de lire, collection Encrage

En cinq étapes décisives, Mik, 12 ans, va se battre contre le destin qu’on veut lui imposer, celui d’un fils d’alcoolique, un enfant à problème auquel il faut trouver un  » milieu approprié « .

Au début de cette histoire, la vie est pour lui un mélange de fantasmes dans lesquels il monte des maquettes le soir avec son père et où il communique avec Dark Vador grâce à un mobile qui n’a plus de batterie depuis belle lurette, et une réalité qu’il tente d’oublier, dans laquelle il doit aller chercher un père ivre mort au bar. Lorsqu’une étrange buraliste lui confie : « Tu existes, donc tu décides », il n’est pas bien certain d’exister. Celui qui existe vraiment, c’est le Serpent Solitaire aux écailles glacées qui lui ronge le ventre et va finir par le dévorer.

Son quotidien garde un semblant de normalité grâce à son frère aîné. Fort de ses dix-sept ans, Tony se débrouille pour les faire manger, rire et même trouver des lecteurs DVD qui leur permettent de regarder des films d’horreur. Mais Tony est arrêté,  Mik se retrouve seul avec son père et « …seul avec papa, cela voulait dire encore plus seul. »

C’est alors que les services sociaux prennent en main la vie de Mik. Le temps d’une cure de désintoxication pour son père, Mik va découvrir un mode de vie insoupçonné, loin de Stockholm, loin au nord de la Suède, dans un petit village de trois cents habitants où l’hiver dure plus de six mois et connaît des températures de – 25°. Etrange et dépaysant, inquiétant même. Mais là, chez sa tante Lena, célibataire sans enfant, et auprès de Bengt, vieil excentrique solitaire et bougon, il apprend à pêcher le brochet, écouter le chant de la glace qui se forme sur le fleuve, profiter de sa vie d’enfant. Le Serpent desserre peu à peu son étreinte pour laisser place à un début d’insouciance, de confiance et d’envie de vivre.

Puis tout vole à nouveau en éclats, il doit retourner chez son père, sorti de cure mais pas guéri pour autant. Et tout recommence, en pire car désormais, Mik sait à quoi ressemble le bonheur. Commence alors le « Journal du Zombi », seule partie racontée à la première personne. Mik y livre en fragments lapidaires les trois mois durant lesquels le Serpent Solitaire reprend toute sa place, trois mois qui prendront fin avec une nouvelle intervention des services sociaux et un placement en famille d’accueil. Cette partie là s’intitule « Les tortionnaires » et même si les brimades imposées à l’enfant évoquent la figure des Thénardier, Mik se met enfin à exister et à décider. En rupture avec l’enfant passif et docile qu’il était,  il va lutter pour retrouver la vie qu’il a choisie, avec Lena et Bengt, là où il est aimé avec tendresse, attention et respect.

Malgré les épreuves traversées par son personnage, Le dragon de glace est un roman formidablement optimiste, traversé par la conviction contagieuse que l’existence est faite de choix difficiles mais nécessaires, et qu’elle mérite qu’on se batte pour la vivre au mieux. Il nous emporte sans effort dans ses remous émotionnels comme dans ses délires fantasques, et nous emmène au fond de la Suède dans très beau voyage fait de courage et de volonté.

Marie H.

« Biture express » de Florence Aubry

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Biture express

Florence Aubry

Ed Mijade, juin 2010

Sarah se réveille un matin à moitié nue, les jambes et le sexe à l’air en dehors de sa tente, et elle ne se souvient plus de sa soirée de la veille. Entre brouillard de lendemain de cuite et angoisse dûe à cette posture étrange, elle se demande s’il est possible qu’on ait abusé d’elle sans qu’elle s’en rende compte.

Depuis toujours sa famille passe tous les mois de juillet au camping « La Kabylie » dans le sud de la France, comme pratiquement toutes les familles de ce camping et des campings environnants : tout le monde se connaît et les enfants ont grandit ensemble chaque été. Sa famille, c’est ses parents, elle, et sa petite soeur, Gaby, de 2 ans sa cadette.

Mais maintenant, Sarah a 15 ans. Et son mois de juillet se résume à des soirées bien arrosées avec sa bande de copains – pas de fête sans alcool -, et des journées sur la plage en plein soleil à cuver l’alcool ingurgité la veille. Sarah aime boire, elle aime avoir la tête qui tourne et ce sentiment de ne plus savoir ce qu’elle fait. Mais quand elle ne sait plus ce qu’elle fait, elle fait vraiment n’importe quoi, quitte se mettre en danger sans s’en rendre compte…

Gaby voit tout, mais ne dit rien – n’en pense pas moins -, cache ce qu’elle peut aux parents. De même que Lucas, un copain du camping, qui, lui, ne boit jamais une goutte d’alcool, et veille sur les autres, surtout sur Sarah.

Et puis, il y a ce mystère qui tient en haleine le lecteur jusqu’au bout : que s’est-il réellement passé cette nuit où Sarah ne se souvient de rien, et à la suite de laquelle elle s’est réveillée à moitié nue, à la vue de tous ?

Sarah a de la chance d’être si bien entourée, même si on peut regretter que les personnages adultes soient si absents de cette histoire d’adolescents : leurs parents ne voient rien, ne se préoccupent de rien concernant leurs enfants, ou sont « à côté de la plaque » car gobent tous les mensonges. Ils sont en vacances.

Dans ce récit à la première personne, les voix des deux soeurs alternent, marquant des points de vue différents sur l’histoire : Sarah ne voit que la fête, même si un certain malaise s’installe au fil des pages depuis ce fameux réveil ; Gaby nettoie les traces de vomissures en cachette et s’inquiète en silence pour sa soeur. A travers cette histoire, c’est aussi cet âge sensible, qui change les relations et les façons de voir l’autre, qui nous est décrit. Le langage est cru, et l’auteur ne cache rien de la réalité des situations dûes à l’alcoolisation rapide, ni des pensées des deux personnages principaux.

Judith O.