Archives de Tag: adolescence

« Oh les filles! » d’Emmanuel Lepage

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Oh les filles!

Edition intégrale

Récit de Sophie Michel

Dessin et couleurs d’Emmanuel Lepage

Editions Futuropolis

Chloé, enfant désirée et chérie d’une mère qui a voulu l’élever seule; Leïla, petite princesse de modeste famille immigrée; Agnès, issue de la grosse bourgeoisie parisienne, élevée par une nourrice dès ses premières heures. Dans les destins croisés de ces 3 filles, nées le même jour mais dans des environnements si différents que leur rencontre semblait improbable, Sophie Michel nous parle d’amour et de manque d’amour, de rêves d’enfants brisés et de vocation, de petits chagrins et de vrais drames, de choix quelquefois malheureux et, avant tout, d’amitié qui traverse le temps et défie les lois du cloisonnement social.

Sur cette trame sensible et juste, des morceaux d’histoires entremêlées dans lesquelles se retrouveront bien des jeunes filles, d’autant que la mise en image d’Emmanuel Lepage est, comme à l’accoutumé, remarquable. Extrêmement classique pour l’occasion, avec des cadrages et un découpage narratif très sobres, il s’est concentré sur les expressions des visages et le mouvement de ces jeunes corps, débordants de vie et d’énergie. Quand au travail de la couleur, il est tout simplement somptueux. Cette réédition en intégrale donne de plus une belle unité au récit en permettant de suivre l’histoire de ces trois filles sur les 130 pages  d’un magnifique album.

Marie H.

« Là où je vais » de Fred Paronuzzi

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làoùjevaisLà où je vais

Fred Paronuzzi

Ed Thierry Magnier

11h10 – 11h59, c’est le temps du roman. Soit 3300 secondes durant lesquelles 4 adoslescents vont découvrir, en partie, leur chemin. Léa, Ilyes, Clément et Océane sont dans le même Lycée. Ils se voient, se croisent mais ne se regardent pas. Léa est amoureuse, ne sait comment faire pour que son attirance envers Julie se concrétise. Elle va pouvoir en quelques secondes, saisir l’opportunité. Ilyes fait du théâtre, il aime ça. Le théâtre lui a permis de découvrir, d’aimer la langue française. Lui, l’ex primo-arrivant, qui ne savait et comprenait aucun mot de français à son arrivée sur le territoire. Clément est seul, encore plus depuis le décés de sa soeur. Il survit, n’arrive pas à faire face. Il cherche une orientation et enchaîne les rendez-vous chez le principal, la CPE, la conseillère d’orientation. Océane demande un entretien, en urgence avec la CPE. Elle va lui révéler un terrible fait dont elle a été la victime.

Fred Paronuzzi nous présente 4 récits croisés de 4 adolescents, en 3300 secondes. Le récit est bref, l’écriture concise et ciselée, le ton grave et juste. Après « Un cargo pour Berlin » et « Mon père est américain » Fred Paronuzzi affûte son style et réussi la performance de concentrer en 3300 secondes une belle littérature. Vous pouvez lire les propos de Fred Paronuzzi ici.

Thierry B.

Autre analyse

Eclats d’adolescence, petits morceaux de vies. Deux garçons, deux filles, dont le parcours, en pas tout à fait une heure, va s’infléchir. Et ce qui est remarquable dans ce très court récit, c’est qu’il est formidablement optimiste, témoignant d’une foi absolue dans le pouvoir de la parole. Ilyes a déjà découvert sa force, c’est par le théâtre qu’il a enfin eu le sentiment de gagner sa place dans son pays d’accueil, en s’appropriant sa langue, en la célébrant, à chaque répétition. Léa, elle, trouve le courage de dire son amour à Julie et, grâce à cet aveu, verra ses rêves les plus enflammés se réaliser. Et si pour Océane et Clément, les situations sont plus difficiles à résoudre, la parole sera, là encore, infiniment précieuse.

Une mention spéciale pour l’illustration de couverture signée Laurent Moreau avec ses quatre personnages qui se détachent sur fond noir dans une belle harmonie de bleu et de rouge.

Marie H.

« Luz » de Marin Ledun

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Luz

Marin Ledun

Editions Syros – Rat noir

Encore un dimanche familial, un de ces dimanches interminables que Luz ne supporte plus. Les apéros qui traînent en longueur, les hommes éméchés, les blagues salaces, les femmes lasses et résignées, l’apathie générale. L’ennui. Luz a 14 ans. Elle se regarde dans la glace, se sent devenir femme et se trouve jolie. Elle n’est d’ailleurs pas la seule, les regards masculins lui manifestent une toute nouvelle attention. Mais ce jour-là, c’est un ami de son père qui l’observe et s’autorise, sous l’emprise de l’alcool, un geste déplacé. Rien de vraiment grave mais Luz sent d’instinct une concupiscence malsaine et l’épisode lui laisse une sensation de malaise persistant. Alors, ce jour-là, elle en a assez des adultes. C’est le début des vacances estivales, elle a envie d’étrenner son nouveau maillot de bain, son premier maillot deux pièces qu’elle a eu tant de mal à obtenir de sa mère. Il n’y a personne pour l’accompagner à la rivière mais plutôt rester seule que de subir encore cette ambiance glauque, et puis, elle y retrouvera peut-être une de ses copines. Effectivement, elle croise Thomas et Manon, deux vagues connaissances du collège. Thomas pourrait lui plaire, il pourrait être celui qui, enfin, donne un sens à ces vagues d’émotions qui la bouleversent de plus en plus souvent. Alors elle s’incruste, malgré l’hostilité manifeste de Manon et la rivalité qui s’installe immédiatement entre elles. La sérénité du lieu, la fraîcheur de l’eau, le chant des cigales apaisent un moment les tensions et cette après-midi pourrait être le début prometteur d’un été de rêve. Mais un groupe de garçons, partis camper plus en amont et chargés de bières, se joint bientôt à eux. L’alcool échauffe les esprits et les sens, fait dégénérer les rapports et l’après-midi se transforme en cauchemar.

Cette histoire est celle d’une toute jeune fille à laquelle les adultes ont sans doute souvent répété que le monde est rempli de dangers et qu’il faut se méfier des garçons, une adolescente qui se sent maintenant grande et de taille à se défendre. La tête pleine de rêves, elle s’offre à la vie avec confiance, débordante d’impatience et de curiosité. Elle se confronte d’abord au désir poisseux d’un homme qui a l’âge de son père et dont elle n’a jamais cherché à provoquer l’attention. Le constat est déplaisant mais son environnement familial, pour peu attentif qu’il soit, constitue tout de même une protection efficace. Livrée à elle-même, la violence à laquelle elle est brusquement soumise, venant d’un garçon de son âge qui lui plaît et cherchait à la séduire, la prend totalement au dépourvu. La narration au temps présent donne une grande réalité au récit, l’environnement extérieur a une présence indéniable. Les descriptions de la rivière sont emplies de couleurs, d’odeurs et de bruits, et lorsque ce décor idyllique se transforme peu à peu en piège, il confère une redoutable efficacité aux scènes d’action. En quelques heures seulement, l’insouciance, les jeux et les rires disparaissent, remplacés par une sourde menace. Lorsqu’elle se retrouve contrainte de se défendre physiquement d’une agression dont nul ne peut prédire l’issue, la scène est amenée avec une belle cohérence psychologique. L’engrenage des évènements comme l’évolution des rapports sont des plus réalistes, la tension monte jusqu’au dénouement qui, pour être heureux, reste parfaitement crédible.  Avec des dialogues bien menés et un suspense parfaitement maîtrisé, ce roman traite avec justesse les ambiguïtés de la séduction à l’âge de tous les dangers, entre innocence et inconscience.

Marie H.