Luz
Marin Ledun
Editions Syros – Rat noir
Encore un dimanche familial, un de ces dimanches interminables que Luz ne supporte plus. Les apéros qui traînent en longueur, les hommes éméchés, les blagues salaces, les femmes lasses et résignées, l’apathie générale. L’ennui. Luz a 14 ans. Elle se regarde dans la glace, se sent devenir femme et se trouve jolie. Elle n’est d’ailleurs pas la seule, les regards masculins lui manifestent une toute nouvelle attention. Mais ce jour-là, c’est un ami de son père qui l’observe et s’autorise, sous l’emprise de l’alcool, un geste déplacé. Rien de vraiment grave mais Luz sent d’instinct une concupiscence malsaine et l’épisode lui laisse une sensation de malaise persistant. Alors, ce jour-là, elle en a assez des adultes. C’est le début des vacances estivales, elle a envie d’étrenner son nouveau maillot de bain, son premier maillot deux pièces qu’elle a eu tant de mal à obtenir de sa mère. Il n’y a personne pour l’accompagner à la rivière mais plutôt rester seule que de subir encore cette ambiance glauque, et puis, elle y retrouvera peut-être une de ses copines. Effectivement, elle croise Thomas et Manon, deux vagues connaissances du collège. Thomas pourrait lui plaire, il pourrait être celui qui, enfin, donne un sens à ces vagues d’émotions qui la bouleversent de plus en plus souvent. Alors elle s’incruste, malgré l’hostilité manifeste de Manon et la rivalité qui s’installe immédiatement entre elles. La sérénité du lieu, la fraîcheur de l’eau, le chant des cigales apaisent un moment les tensions et cette après-midi pourrait être le début prometteur d’un été de rêve. Mais un groupe de garçons, partis camper plus en amont et chargés de bières, se joint bientôt à eux. L’alcool échauffe les esprits et les sens, fait dégénérer les rapports et l’après-midi se transforme en cauchemar.
Cette histoire est celle d’une toute jeune fille à laquelle les adultes ont sans doute souvent répété que le monde est rempli de dangers et qu’il faut se méfier des garçons, une adolescente qui se sent maintenant grande et de taille à se défendre. La tête pleine de rêves, elle s’offre à la vie avec confiance, débordante d’impatience et de curiosité. Elle se confronte d’abord au désir poisseux d’un homme qui a l’âge de son père et dont elle n’a jamais cherché à provoquer l’attention. Le constat est déplaisant mais son environnement familial, pour peu attentif qu’il soit, constitue tout de même une protection efficace. Livrée à elle-même, la violence à laquelle elle est brusquement soumise, venant d’un garçon de son âge qui lui plaît et cherchait à la séduire, la prend totalement au dépourvu. La narration au temps présent donne une grande réalité au récit, l’environnement extérieur a une présence indéniable. Les descriptions de la rivière sont emplies de couleurs, d’odeurs et de bruits, et lorsque ce décor idyllique se transforme peu à peu en piège, il confère une redoutable efficacité aux scènes d’action. En quelques heures seulement, l’insouciance, les jeux et les rires disparaissent, remplacés par une sourde menace. Lorsqu’elle se retrouve contrainte de se défendre physiquement d’une agression dont nul ne peut prédire l’issue, la scène est amenée avec une belle cohérence psychologique. L’engrenage des évènements comme l’évolution des rapports sont des plus réalistes, la tension monte jusqu’au dénouement qui, pour être heureux, reste parfaitement crédible. Avec des dialogues bien menés et un suspense parfaitement maîtrisé, ce roman traite avec justesse les ambiguïtés de la séduction à l’âge de tous les dangers, entre innocence et inconscience.
Marie H.
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