Scénario de Lewis Trondheim
Dessins de Fabrice Parme
Editions Delcourt – Collection Shampooing
Cette petite bande dessinée au format souple aurait pu s’appeler « Mon doudou et moi », tant la question centrale est: qui est le doudou de qui ? Tiffany a toutes les peines du monde à convaincre Panda que c’est lui. Lequel a toutes les raisons de douter, puisqu’il l’a bel et bien déballée d’un paquet cadeau et qu’il trouve par la suite une étiquette « Made in China » sur son tee-shirt, preuve irréfutable s’il en est. Hugo, lui, tente en vain de faire du sien une terreur. Il est grand, gros et poilu, avec une tête de Grufalo, mais ce pauvre Brütor est définitivement tendre et rêve de câlins. D’ailleurs, il avait demandé une petite fille… Dans ce monde parallèle traîne aussi Maxime, carcasse dégingandée, grande mèche entre son visage et les regards. Honteux d’avoir encore un doudou à son âge, il cherche à se débarrasser de Kokoala, désespérément cramponné à ses bras et ses jambes. Car la vraie vie l’attend, le permis de conduire, les boîtes de nuit, les bandes de copains, même si quelque chose d’inexplicable le retient encore dans ces territoires de l’enfance, quelque chose qui n’a plus rien à voir avec le volcan de chocolat ou la forêt de sucettes.
Il y a bien plus qu’il n’y parait dans la succession de ces quatre cases aux contours arrondis et leur décor minimaliste. Fabrice Parme donne à ses personnages naïfs au trait ferme des expressions qui servent admirablement les dialogues de son comparse. Et derrière l‘humour tonique (et souvent sarcastique) des échanges se décèlent beaucoup de tendresse accompagnée d’une saveur délicieusement nostalgique. Car tandis que Panda et Tiffany partent à la recherche de la sorcière maigre (celle qui vous transforme en aigle royal, mais sans plumes, ni ailes, ni pattes, ni yeux, ni bec, sort dont a été victime une petite peste blonde nommée Dorothée et affublée d’un poney-licorne-pégase rose), tandis qu’Hugo s’acharne, en vain, à vouloir faire de Brütor le guerrier redoutable qui vaincra l’ultime dragon pourpre, ce qui se joue au travers des dialogues, c’est le grand dilemme de l’enfance : grandir et quitter ce fabuleux terrain de jeux ou continuer à en jouir et supporter la tyrannie des adultes ? Qu’il s’agisse de la baby-sitter d’Hugo ou de la grand-mère de Maxime, l’incursion des adultes dans ce monde épicent les échanges des enfants de quelques réflexions cyniques ou désabusées qui ne donne guère envie de rejoindre le leur.
Marie H.