Marie Colot
Editions Alice jeunesse – Collection Deuzio
Agathe traverse une période difficile : son père est parti brusquement pour une plus jeune « fiancée » et sa mère s’est transformée en madeleine. La première lettre de son correspondant arrive donc à point pour lui changer les idées. Déconvenue ! Cet Arthur, qui lui répond de Bruxelles, n’a aucune envie de communiquer avec une fille et, qui plus est, une bouseuse qui aime la lecture et écrit sur du papier à lettres rose…
Il faut avouer qu’Agathe a des loisirs solitaires et des goûts plutôt atypiques : elle dévore les romans d’Agatha Christie, aime enregistrer des sons, connaît par cœur le répertoire d’Edith Piaf et constitue sans doute à elle toute seule l’unique fan club des inspecteurs Derrick et Columbo de moins de soixante ans. On peut comprendre qu’Arthur ne soit pas emballé et sa première réponse est remplie de sarcasmes et de condescendance. C’est dire si cette correspondance commence mal. Mais elle est o-bli-ga-toire ! S’enchaînent donc des missives corrosives car Agathe a de la répartie, pour une ringarde perdue au fin fond de la cambrousse.
Et voilà que Arthur, malgré ses airs supérieurs de citadin blasé, dévoile bientôt une blessure pas si éloignée de la sienne (pas question bien sûr de s’en plaindre, juste une allusion lâchée l’air de rien, avec ironie et presque par hasard). Il lui propose alors, sous forme de défi (attention, en aucun cas il ne s’agit de demander de l’aide à une fille), de résoudre une énigme qui pourrait lui permettre de retrouver la trace de sa mère, disparue depuis sa naissance. Voilà qui va donner à notre passionnée d’enquêtes policières l’occasion de mettre ses facultés de raisonnement à l’épreuve, avec pour seul point de départ une vieille photo.
Ce très court roman donne une furieuse envie de s’essayer à la correspondance et au jeu de la déduction. Comme la narratrice en est Agathe, nous en savons un peu plus sur elle et ne pouvons, comme elle, que deviner qui est réellement cet Arthur, si désagréable au premier abord, et quels peuvent être ses véritables sentiments sous le jeu des provocations faciles et des railleries blessantes. Leurs échanges sont absolument jubilatoires, les deux enfants mettant en œuvre toutes leurs ressources d’humour comme de mauvaise foi pour dissimuler leurs doutes et leurs chagrins, et il se dessine au fil du récit ce qui pourrait devenir une belle amitié.
Marie H.